Charles Gautier
Le 09/06/2008, extrait du Figaro
Si les athlètes en vue sont souvent mis à contribution pour apporter leur notoriété aux entreprises, ces dernières tirent aussi profit des valeurs sportives.
Pendant trois semaines, les entreprises vont vivre à l’heure du football. Sujets de conversations inépuisables pendant toute la durée de l’Euro, les exploits ou les contre-performances de l’équipe de France seront étudiés, analysés, disséqués devant la machine à café ou le téléviseur grand écran du bistrot d’à côté.
Si les manageurs pestent contre les inéluctables baisses de productivité lorsque les rencontres ont lieu aux heures du bureau, le football peut aussi avoir des effets bénéfiques sur le fonctionnement de l’entreprise. « Le sport peut indéniablement créer des liens forts dans l’entreprise , explique Thierry Lardinoit, professeur de marketing titulaire de la chaire européenne de marketing sportif de l’Essec. Mais au-delà, un PDG peut s’inspirer du rôle du capitaine de l’équipe, qui est sur le terrain, s’implique, défend ou marque des buts. »
U n PDG peut aussi essayer de manager différemment. « En matière de ressources humaines, il faut analyser le rôle des entraîneurs formateurs qui se rapproche beaucoup de celui des PDG, poursuit Thierry Lardinoit. Le responsable d’une équipe “espoir” doit à la fois gérer le court terme pour les titres immédiats et faire évoluer ses joueurs sur deux ans. »
L’école de la réalité :
De la même façon, un patron doit à la fois assurer les résultats commerciaux nécessaires à l’entreprise et donner le temps de la formation. « Et, surtout, les sportifs de haut niveau savent dépasser l’échec, ils l’étudient pour progresser, poursuit-il. Dans l’entreprise, il n’est pas très fréquent que l’on parle des échecs. Et que l’on tire toutes les conclusions. »
Car le sport, c’est l’école de la réalité. « Dans le sport on ne peut pas toujours, sauf dans les sports collectifs où l’on peut toujours accuser les autres, chercher beaucoup d’alibi à sa propre défaillance, explique Gilles Amado, professeur au département management et ressources humaines de HEC. Il faut aller à la recherche de soi-même, mais sans pour autant vouloir atteindre la performance extrême qui, dans l’entreprise, peut conduire à la mise sur la touche. »
Le sport peut aussi faciliter la vie dans l’entreprise. « La solidarité, si importante dans le sport, est absente de la vie de l’entreprise, poursuit Gilles Amado. La plupart des gens voient dans leurs collègues de bureau des rivaux potentiels, car chacun craint pour sa situation. Il est important de développer l’esprit d’équipe. »
Vers un but commun :
Bien entendu, une partie de foot peut faciliter la disparition des barrières hiérarchiques, permettre de tisser des liens ce dont les entreprises ne se privent guère puisque nombre d’entre elles ont une ou plusieurs équipes et les grands groupes organisent même des tournois importants. « On peut aussi noter que les grands sports ont été codifiés dans les universités à l’époque victorienne en Angleterre, en complément de la formation pour les milieux d’affaires, explique François Leccia, directeur de l’Institut sport et management à Grenoble école de management. Le rugby s’y prête d’ailleurs le mieux. » Les sports individuels sont aussi à l’honneur.
De grands groupes misent également sur le golf. « En choisissant Tiger Woods, Accenture veut mettre en valeur les qualités de précision, de concentration. » Mais le sport, c’est aussi la concentration d’une équipe vers un but commun.
« Lorsque toute une équipe est tendue vers un projet, qu’elle en effectue une lecture commune, cela peut apporter du plaisir, poursuit François Leccia. Même dans les difficultés, je vois des gens qui prennent du plaisir dans les entreprises. »